Pourquoi lui ? Pourquoi une majorité d’électeurs a-t-elle jeté son dévolu sur un homme de 39 ans qui ne s’était jamais présenté à la moindre élection et dont le parti n’existait pas un an auparavant ? Pourquoi les Français ont-ils confirmé leur vote aux Législatives en investissant 313 députés d’En Marche ? Le secret de la réussite du président Macron est peut-être celui d’un dirigeant d’aujourd’hui. Il possède une palette d’habiletés dans laquelle trois éléments émergent : la disruption, la compétence et la « tactique émotionnelle ». C’est ce troisième élément qui a joué comme jamais dans une campagne.
En reprenant le fil de ces mois de campagne, et des forces en présence, on a pu voir se détacher quelques leaders. François Fillon ? Il coche évidemment la case des compétences. Mais ce dernier présentait un programme dans lequel les Français ne se projetaient pas. Jean-Luc Mélenchon ? Il n’a pas son pareil pour jouer de la corde sensible. Mais il a sans doute abusé du champ émotionnel. Emmanuel Macron, lui, a démontré au travers de son parcours professionnel qu’il avait les compétences pour le job, comme son rival des Républicains mais aussi un atout précieux à l’inverse du concurrent insoumis : la maîtrise de ses émotions. Ce qui a fait sa différence. Grâce à l’utilisation d’un registre lexical très positif et bienveillant (« renouveau », « s’engager », « acteurs de leur destin », « voilà ce que vous allez faire »,…), il a en quelque sorte coaché ses électeurs en leur redonnant le goût d’être optimiste. A l’inverse de ses rivaux qui utilisaient un registre plus décliniste, avivant les doutes et les peurs.
Cette « tactique émotionnelle » gagnante – tactique n’étant pas un gros mot – prend tout son sens en entreprise, lorsqu’il s’agit pour le dirigeant de donner une vision, du sens, de trancher et d’entrainer derrière soi une équipe ou une entreprise entière. Car celle-ci n’est pas seulement constituée du pragmatisme des compétences et de la disruption du changement obligé. Savoir faire passer ses messages au bon degré d’émotion, c’est un projet pour tous les collaborateurs, et la meilleure manière de susciter leur adhésion. C’est aussi ce qui a séduit les électeurs d’Emmanuel Macron. Il a compris avant tout le monde qu’une majorité des Français, réputés inquiets et pessimistes, ont d’abord soif d’idéal.
Cette habileté, cette intelligence émotionnelle, de nombreux professionnels commencent à la verbaliser. Car il est temps, puisque cette autre forme d’intelligence constitue l’un des piliers de la personnalité d’un cadre dirigeant, de la mettre en avant, à commencer par l’évaluer lors du processus de recrutement. D’autant qu’il existe aujourd’hui des tests fiables. Né dans les années 90, ce concept de quotient émotionnel reprend du poil de la bête car les entreprises recherchent des leaders émotionnellement matures. Qui savent non pas masquer leurs émotions mais au contraire bien les utiliser. A l’instar d’un Macron, les meilleures déploient des stratégies de régulation émotionnelle afin de gagner en efficacité, pertinence, efficience dans leur rapport aux autres. Comme dans le monde politique, aider les managers en entreprise à professionnaliser ces saines « tactiques émotionnelles » est une affaire d’importance. Passer à côté serait avouer le retard de la société civile sur la gouvernance publique. Ce serait une première.