C’est un drame, une trahison, une malédiction qui s’abat sur l’entreprise ou un gouvernement. Du moins est-ce ainsi que la démission est trop souvent perçue, qu’elle émane d’un cadre ou d’un ministre comme Nicolas Hulot. Un(e) homme/femme clé s’en va et tout est dépeuplé. D’autant plus si sa fonction est en pénurie. Et si personne n’est à même de le remplacer en interne, c’est encore pire.
Par Laurent Da Silva
Ce psychodrame, même s’il ne prend pas la forme d’un clash matinal et médiatique, nombre d’entreprises vont le connaître en cette rentrée, plus encore qu’au cours des précédents retours de vacances. Car le marché de l’emploi des cadres, comme la météo, est au beau fixe. Et l’anticyclone du plein emploi des cols blancs et de la forte demande des entreprises ne risque pas de quitter nos cieux de sitôt.
Alors, plutôt que d’implorer le ciel et de se lamenter sur les départs annoncés, pourquoi ne pas les positiver ? Pourquoi ne pas voir dans ces démissions un bienfait ? Plutôt que de chercher à retenir un cadre qui a envie d’aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte, mieux vaut accepter son choix. Et d’abord ne pas tenter de rattraper l’irrattrapable, en jouant la surenchère par exemple. L’expérience démontre qu’un salarié qui a accepté un poste ailleurs ne retardera son départ que de quelques mois, au mieux d’une année, si on lui propose une meilleure rémunération. Lorsqu’il remet sa démission, il a suivi un long cheminement intérieur : il a fait le bilan de son poste actuel, en a cherché un nouveau, puis a fait le deuil des avantages et des défauts du poste qu’il va quitter et se sera déjà projeté dans le prochain. Bref, il est déjà parti.
Mieux vaut se faire une raison, et garder raison. Une démission ? C’est le moment propice de remettre en question quelques acquis, et même quelques fondamentaux. Une organisation que l’on croyait rodée depuis des lustres ronronnait, peut-être, au lieu de rugir. Ainsi, ce commercial de haut vol qui générait un chiffre d’affaire impressionnant, il s’en va et il faut le remplacer. Or – et c’est du vécu –, en confiant son portefeuille à deux personnes après son départ, son business s’est développé, enrichi, et a généré un chiffre d’affaires bien plus élevé. Et puis une démission peut aussi déclencher des recrutements externes. Faire entrer du sang neuf, c’est ouvrir la porte à de nouvelles visions, de nouvelles façons de travailler. La démission crée du mouvement, appelle des changements. Elle fait partie du renouvellement cellulaire vital à tout organisme, y compris l’entreprise. Évidemment, ce type de remise en cause organisationnelle s’applique à nombre de fonctions, et il est loin de se limiter aux postes de commerciaux.
Sortir de sa zone de confort permet aussi de questionner la politique RH d’une entreprise. Car ces démissions peuvent certes ne relever que de décisions individuelles. Mais il se peut aussi qu’on ait raté un signal, surtout si les démissionnaires sont les bons éléments dont on ne souhaitait surtout pas se passer. N’aurait-on pas négligé la gestion de leur carrière, leur évolution, la détection de leurs talents ? Sommes-nous au top en matière de qualité de vie au travail, de reconnaissance et de rémunération ?
Toutes ces questions, rares sont les organisations qui se les posent régulièrement. Et encore plus rares sont celles capables de se remettre profondément en cause sans un choc, aussi désagréable qu’il soit. Une série de démissions en est un, beaucoup plus facile à gérer qu’un retournement du marché. Alors, sans encourager la pratique, n’en voyons que les bons côtés. Et peaufinons nos plans de succession…