Voilà 2400 ans que l’on attendait cela. Depuis qu’Aristote a décrété que « la relation entre l’homme et la femme est par nature telle que l’homme est supérieur, la femme inférieure, que l’homme gouverne et que la femme est gouvernée. »* Il aura donc fallu attendre plus de vingt-trois siècles pour que la sentence erronée de l’érudit soit mise à l’index.
Par Laurent Da Silva
Dans le monde de l’entreprise, c’est littéralement un index qui va enfin imposer une obligation de résultats pour en finir avec les écarts de salaires toujours constatés mais jamais résorbés. Le nouvel index égalité femmes-hommes, entré en vigueur le 1er mars dernier, n’est pas un texte législatif de plus, ni une mesure qui s’empile sur une autre mesure. Certes, la loi, qui oblige toutes les entreprises à verser un salaire équivalent, à compétence équivalente quel que soit le sexe du collaborateur, existe depuis 46 ans. Mais que vaut un radar s’il n’y pas un PV dans la boîte aux lettres du contrevenant en cas d’excès de vitesse ? Et dans le cas de l’illégalité, aucune amende n’était exigée du contrevenant.
C’est fini. Le nouvel index mesure chaque année les données des entreprises de plus de 1 000 salariés – au 1er septembre pour celles de 250 à 1000 salariés et à partir de l’an prochain pour celles de 50 à 250 collaborateurs. Selon ce scoring de l’égalité, elles devront corriger le tir et si tel n’est pas le cas, verser une amende allant jusqu’à 1 % de la masse salariale. Dans le cas d’une entreprise du CAC 40, les sommes risquent d’être rondelettes.
Les mauvais augures expliqueront que d’autres mesures non respectées sont soumises à d’autres amendes versées pour s’y soustraire. Sauf qu’en toute matière, l’important c’est de choisir le bon moment.
Et il est arrivé.
En politique, les femmes gagnent des positions (même si elles restent encore exclues des postes de pouvoir). Les exploits des sportives de haut niveau sont davantage médiatisés. Dans le business, la France se pose en championne de la féminisation des boards (même si les codir et comex restent toujours aussi masculins). La carte n’est pas parfaite mais le territoire a évolué.
La route a été longue depuis la sentence du philosophe grec. De la culture de la galanterie à l’obtention du droit de vote, de la loi Veil à #Metoo, les avancées ont été lentes, mais aujourd’hui, ce qu’exige le nouveau texte ne prête lieu à aucune polémique. Une unanimité qui devrait pousser les entreprises à se montrer bonnes élèves. De peur du « name and shame », de crainte d’être désignées coupables aux yeux du public, et de leurs clients et clientes.
Pour qu’une telle évolution prenne, pour que l’égalité ne soit plus un simple « cause toujours » mais une réelle avancée tangible, les salariées des entreprises concernées doivent monter au créneau. Et pas seulement en exigeant le même salaire que leurs collègues masculins à l’embauche, ce qui est assez couramment le cas. Mais en ne laissant pas l’écart se creuser tout au long de leur carrière.
Car c’est généralement entre 28 et 40 ans que l’on constate les disparités. Une période de la vie, ou comme c’est curieux, elles donnent la vie. Renoncer à demander une augmentation, parce qu’on est enceinte, y renoncer encore l’année suivante, ne doit plus être accepté, comme cela l’est trop souvent par les femmes elles-mêmes. Ce combat de l’égalité doit être leur combat. Même si une nouvelle loi est, enfin, à leurs côtés pour les y aider.
* Source : Depuis quand la femme veut-elle être l’égale de l’homme. Article du site ça m’intéresse.