TRIBUNE : "Et si les comités de direction s'ouvraient aux managers de transition?"
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TRIBUNE : "Et si les comités de direction s'ouvraient aux managers de transition?"

Dans un contexte où les Codir doivent porter des projets de « change » pendant une durée définie, ne devrions-nous pas systématiser la présence de managers de transition dans ces instances ? Peut-être même de façon permanente.

25 juin 2019

Par Laurent Da Silva

Jusqu’à présent, les entreprises attendaient d’avoir à gérer une crise, qu’elle soit négative ou positive, pour faire appel aux managers de transition. Restructuration, départ soudain d’un dirigeant, fusion… Au mieux, elles les appelaient à la rescousse pour finaliser un projet de croissance ou d’optimisation des résultats en un temps record.

Et si le recours à ces professionnels dépassait désormais les simples situations d’urgence ? Et si les Codir fonctionnaient régulièrement avec des « task forces » dédiées à des projets de rupture ?

Nombre d’entreprises ont aujourd’hui besoin de changer de stratégie. Et que font-elles la plupart du temps ? Alors qu’elles auraient simplement besoin de faire évoluer leur Codir, elles changent de CEO qui lui-même change une partie du casting de l’entreprise. Imaginons maintenant un autre scénario : des comités de direction transformés par la présence de managers de transition. Les Codir pourraient alors évoluer plus vite en cas de nouveau contexte particulier.  

Ego neutralisé

Tous ces managers de transition sont de grands pros, chacun dans leur domaine, et ont l’habitude d’avoir un impact rapide et fort. Bardés de compétences techniques qui les rendent ultra-opérationnels, les meilleurs de ces experts se distinguent surtout par leurs aptitudes relationnelles hors pair (les fameuses soft skills). Mais dans la plupart des cas, ils resteront dans l’entreprise quelques mois et non des années, ils viennent pour atteindre un objectif précis. Et ça change tout : parce qu’ils ne sont que de passage, ils évitent de rentrer dans les jeux politiques de l’entreprise et ont moins de mal à disrupter les (mauvaises) habitudes maison. Ils sont davantage capables de voir ce que les habitués ont oublié, dans une routine bien pardonnable. Au final, l’intérêt général a toutes les raisons de passer après leur intérêt particulier. Une fois compris l’ADN de l’entreprise, ils déroulent leur plan sans ego, tel que décidé par le dirigeant.


EXPERTISES RENOUVEL
ÉES

Si les membres de Codir en place sont pétris de qualités, ils ne peuvent pas être excellents dans tous les contextes. Un DRH qui a mené une restructuration ne sera pas forcément la personne la plus adaptée pour un redéploiement offensif de la stratégie. C’est tout l’intérêt des managers de transition expérimentés : ils constituent un appel d’air d’expertises opérationnelles de haut niveau, acquises au fil de leurs missions de transition chez les uns et les autres. Leur regard neuf représente une qualité inestimable pour un Codir qui les choisit parce qu’ils sont proches du projet qu’il souhaite mener. Ce qui est vital lorsque l’entreprise doit justement franchir un cap, se renouveler, se transformer pour consolider ou changer de business model.



Cohabitation fertile

Évidemment, il est tentant de voir dans ce concept du comité de direction en transition, une orientation ultralibérale. Ne nous méprenons pas :  il s’agit simplement de mettre en place un process aussi pragmatique qu’efficace pour mener à bien les changements que l’époque a rendus nécessaires dans la très grande majorité des entreprises. Mais surtout, il ne s’agit pas d’en finir avec le bon vieux CDI. Depuis les temps, fort lointains, où les entreprises ont commencé à faire appel à des consultants, ces derniers n’ont jamais menacé le code du travail. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit : des consultants venus de l’extérieur chargés de mener à bien une mission, même si celle des managers de transition se situe à haut niveau, même si le temps qu’ils passent au sein de l’entreprise est plus long que celui d’une mission ordinaire de consultant.


Des limites à ne pas dépasser

Bien sûr, un Codir entièrement et définitivement constitué de managers de transition atteindrait rapidement ses limites. Quid du sentiment d’appartenance à l’entreprise et à sa culture ? Un sentiment qui, pour qu’il puisse être adopté collectivement doit évidemment partir du haut de la pyramide. Quid aussi du désarroi des salariés face à un fort turnover parmi leurs dirigeants de passage ? Il faut de la mesure en tout, y compris dans la gouvernance d’entreprise. Et si un comité de direction peut, dans des circonstances exceptionnelles, être constitué de managers de transition, il ne saurait l’être perpétuellement, et surtout pas dans des périodes de croissance stables.

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